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Séropos, précaires : la France nous préfère mortEs !

Texte d’appel de la marche du 1er décembre 2023, journée internationale de lutte contre le VIH-Sida rédigé par Act Up Paris.

Le virus du sida a été identifié en 1983, il y a tout juste 40 ans.
Il tuait depuis 1981 sous le nom de « cancer gay », personne ne présageait que cette pandémie allait faire 40 millions de mortEs.
Depuis, il décime LGBTQI+, toxicos, usagerEs de drogueS, femmes, travailleurSEs du sexe, hémophiles, étrangèrEs, migrantEs, exiléEs, hétérosexuelLEs, prisonnierEs, enfants, familles et parents.
Dès 1983, lors du 2ème forum mondial sur le sida à Denver dans le Colorado, une coalition de Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) s’organise et élabore un texte fondateur : les Principes de Denver. C’est ici que le « Nothing for us without us » : « Rien pour nous sans nous » pensé par et pour des personnes séropositives trouve ses origines (1). En 1988, Act Up-New York et des activistes gays manifestent devant la Food and Drug Administration (FDA) aux cris de « We die they do Nothing » : « Nous mourrons ils ne font rien » pour exiger l’accès aux traitements. En 1989, Act Up-Paris voit le jour et révolutionne la lutte contre le sida en France. Par ses modes d’actions (zap, die in.), Act Up-Paris bouleverse les représentations publiques de l’épidémie, des personnes et des groupes sociaux touchés par le virus.

Le VIH est abordé comme ce qu’il est : une épidémie politique.

C’est alors l’hécatombe, des milliers de personnes meurent chaque jour du sida, souvent seules, dans l’indifférence générale (2). Chaque semaine, Act Up-Paris commence sa réunion par la lecture des noms des mortEs du sida, membres ou pas de l’association. L’urgence est de lutter, sans relâche pour les droits sociaux et de santé, le logement, des traitements, pour une prévention audacieuse, contre les discriminations sérophobes, LGBTIphobes, putophobes, racistes, sexistes qui font le jeu de l’épidémie.
Lutter pour le droit de vivre, et aussi de mourir dignement.
Lutter pour ne pas crever, pour vivre, aimer, jouir, danser.

Cette année, la Permanence Droits Sociaux d’Act Up-Paris a 25 ans. 25 ans de vies, 25 ans de luttes, de combats avec et aux cotés des PVVIH, mise en place par et pour les malades, le pouvoir d’agir des PVVIH autour de l’accès aux droits. Tout y est construit avec les séropos, il ne s’agit pas de « faire pour ou à la place de », mais de « faire avec ».

INFORMATION = POUVOIR

Les connaissances accumulées sont partagées, nos communautés s’en emparent, à des fins d’empowerment et d’autodétermination. Plus de 200 PVVIH participent à la permanence et subissent de plein fouet les effets néfastes des lois répressives qui favorisent la propagation du virus par des attaques ciblées sur nos communautés : hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), usagerEs de drogues, travailleurs-ses du sexe (TDS), personnes trans, personnes migrantes, femmes, prisonnierEs. Toutes ces personnes contribuent au plaidoyer mené en faveur de leurs droits, ce sont leurs vécus, leurs témoignages et leur engagement qui confèrent à l’association son expertise.

Act Up-Paris a toujours déploré le manque de volonté politique des pouvoirs publics pour mettre fin à l’épidémie, aujourd’hui c’est un constat bien pire que nous dressons : séropoTEs – a fortiori précaires – la France vous préfère mortEs ! Cet ancien slogan d’Act Up-Paris est dramatiquement d’actualité.

Les acquis sociaux obtenus par des décennies de lutte contre le sida sont constamment menacés, voire supprimés notamment ces dernières années. En 2011 le décret Sarkozy ciblait spécifiquement les malades chroniques dont les personnes séropositives, et réduisait l’attribution et le renouvellement des droits Allocation Adulte HandicapéE (AAH). Le 1er décembre 2019 Macron supprimait le complément de ressources, lésant ainsi plus de 10 000 personnes précaires ayant un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 %, en incapacité de travailler.

La « loi asile et immigration » porte en elle le fantasme de la droite et de l’extrême-droite des étrangers-ères délinquants-es qu’il faut contrôler, surveiller, punir, enfermer et expulser. L’objectif étant de lutter contre l’immigration irrégulière dans une gestion des flux migratoires au niveau européen avec notamment le renforcement de FRONTEX, le doublement des places en centres de rétention (3), la suppression de l’Aide Médicale d’État (AME) par l’Aide Médicale pour soins Urgents (AMU) revenir sur l’accès effectif aux traitements et aux soins dans le pays d’origine dans le cadre de la demande de régularisation pour raisons médicales, la menace pèse sur l’arrêté du 5 janvier 2017 (4) qui protège les personnes séropositives d’une expulsion du territoire. Toutes ces mesures sont autant d’entraves, pour l’accès à la prévention et aux soins primaires (Alma-Ata, 1978).

La loi « plein emploi » conditionne le versement du RSA à 15h de travail hebdomadaire obligatoire, et cela s’étendra probablement aux travailleurSEs handicapées (5) (6). De plus, depuis le 17 août 2022, Pôle Emploi bientôt France Travail a accès à des données personnelles de santé, une violation du secret médical. Les populations cibles sont les bénéficiaires du RSA, de l’AAH et les seniors, une main d’œuvre corvéable à merci. L’objectif étant de réduire les dépenses publiques et notamment l’aide sociale.

La réforme des retraites assénée à coups de 49-3 au mépris de la contestation populaire, impose de travailler plus longtemps : nombreuxSES sont les PVVIH qui n’atteindront pas l’âge requis. La politique du « tout zéro » vise à faire disparaître les personnes, pas les injustices. Nos communautés sont criminalisées, et les mouvements sociaux sont réprimés par la peur et la violence.

Ces politiques délétères, austères, antisociales, répressives, sécuritaires vont de pair avec le désengagement financier de l’Etat sur les politiques publiques sociales et de santé, ce qui impacte le travail des associations communautaires, qui font face à des situations d’urgence sociale, avec toujours de moins en moins de moyens.

Ce 1er décembre, nous réaffirmerons que nous avons envie de vivre, que nous nous battrons sans relâche pour nos droits, et que plus que jamais, cette lutte ne peut se faire sans nous.

Nous exigeons :

  • La libération de toutes les personnes malades privées de liberté,
  • L’AAH à taux plein pour touTEs les prisonniers-ères,
  • La revalorisation de tous les minima sociaux,
  • La régularisation immédiate de touTEs les sans-papiers,
  • L’individualisation du RSA et son attribution à touTEs les jeunes de moins de 25 ans,
  • Le versement de la pension de réversion à touTEs les conjointEs, concubinEs, PaCSéEs survivantEs,
  • La fusion de l’AME et de la C2S,
  • L’abrogation de la loi anti-squat Kasbarian Bergé du 14 juin 2023 qui favorise les expulsions locatives,
  • L’abrogation du décret Sarkozy du 16 aout 2011 qui restreint l’accès à l’AAH,
  • L’abrogation du décret du 17 aout 2022 qui permet à pole emploi d’accéder à des données médicales des personnes handicapéEs demandeurs-ses d’emploi,

L’abrogation de toutes les lois votées dans un contexte d’état d’urgence. Notamment :

  • La pénalisation des clients qui tue les travailleurSEs du sexe,
  • La loi du 7 mars 2016 qui a placé les demandes de séjour pour soins sous la tutelle du ministère de l’intérieur (OFII) à la place du ministère de la santé,
  • La loi du 28 février 2017 qui permet à la police de tuer dans le cas d’un refus d’obtempérer,
  • La loi du 26 mai 2021 sur la « sécurité globale »,
  • La loi du 30 octobre 2017 sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme,
  • La loi « séparatisme » du 24 août 2021 qui pénalise les associations et usurpe le principe de laïcité à des fins racistes.

Act Up Paris

Le départ aura lieu au Père Lachaise (entrée boulevard du Ménilmontant), à 18h. Le cortège partira en direction de la place de la République où aura lieu le déploiement du Patchwork des noms, si la météo le permet.